Il est possible, via un contrat d’assurance-vie, de transmettre librement une partie de son patrimoine. Une opération qui ne doit pas conduire à déshériter ses enfants.

Les conditions de souscription d’une assurance-vie autorisent l’épargnant à verser des primes dont le montant est totalement libre. Et rien, a priori, ne lui interdit de détenir une partie importante de son patrimoine au sein d’un tel contrat pour en faire « profiter », au moment de son décès, un ou plusieurs bénéficiaires désignés parmi les héritiers eux-mêmes ou une personne extérieure à la famille. Mais attention, priver les héritiers réservataires de leurs droits successoraux en utilisant cet outil peut conduire à un conflit. Explications.

Une action des héritiers réservataires

Les sommes figurant sur un contrat d’assurance-vie ne font pas partie de la succession du souscripteur et échappent donc aux règles successorales établies pour protéger les héritiers. Ainsi, au décès de l’assuré, ces derniers, lorsqu’ils n’ont pas été désignés comme bénéficiaires, n’auront alors aucun droit sur le capital versé.

Toutefois, cette règle dérogatoire a des limites, car l’assurance-vie ne doit pas être utilisée pour déshériter les héritiers réservataires (le plus souvent les enfants). En effet, une fraction du patrimoine du défunt leur est obligatoirement attribuée. C’est ce qu’on appelle la réserve héréditaire.

En revanche, la part restante de l’héritage, appelée quotité disponible, est, quant à elle, librement transmissible à d’autres personnes que les enfants.

Pour éviter que les héritiers réservataires se retrouvent privés de leurs droits en raison de l’existence d’un contrat d’assurance-vie, la loi les protège en leur ouvrant une action judiciaire spécifique basée sur la notion de primes manifestement exagérées. Ce recours ayant comme finalité de remettre en cause la transmission du capital au(x) bénéficiaire(s) de l’assurance-vie et de réintégrer, au sein de la succession du défunt, soit la partie excessive, soit la totalité des primes versées.

À noter que l’action en justice ne couvre que les primes versées, et non pas la valeur de rachat du contrat (comprenant à la fois les primes, les produits et les plus-values générés).

Un faisceau d’indices

Cette action en justice façonnée par la jurisprudence s’appuie sur un certain nombre de critères qui permettent de juger du caractère excessif ou non des primes versées (eu égard aux facultés du souscripteur). Les juges apprécient en effet cette notion en tenant compte, notamment :– de l’âge du souscripteur ;– de sa situation familiale ;– de sa situation patrimoniale (importance des primes versées par rapport à son épargne globale, train de vie) ;– de l’utilité du contrat.

À noter que le caractère exagéré des primes doit s’apprécier non pas au moment du décès du souscripteur, mais au moment du versement des primes. Ce qui veut dire qu’en pratique, les juges devront disséquer le contrat et déterminer pour chaque versement s’il est ou non exagéré.

Par ailleurs, s’agissant du critère de l’utilité du contrat, les juges devront s’interroger sur le véritable objectif poursuivi par l’assuré. S’agit-il d’un contrat qui cache une forme de libéralité ? Ce qui peut être le cas, par exemple, lorsque le souscripteur ouvre un contrat alors même qu’il est à un âge avancé ou que son état de santé laisse présager le pire.

Hormis ces cas « caricaturaux », les juges pourront éprouver des difficultés à démontrer l’inutilité d’un contrat d’assurance-vie. Notamment lorsque le souscripteur effectue des versements répétés de primes ou le versement d’une prime unique provenant de l’arbitrage d’un actif patrimonial. Une démarche qui non seulement ne va pas l’appauvrir, mais au contraire va l’enrichir.

Avoir connaissance de l’existence du contrat d’assurance-vie

Comme nous l’avons vu, les héritiers exclus du bénéfice de l’assurance-vie peuvent intenter une action judiciaire pour préserver leurs droits à la réserve. Pour s’engager dans cette voie, encore faut-il qu’ils aient connaissance de l’existence du(des) contrat(s) d’assurance-vie souscrit(s) par le défunt. En pratique, lors du règlement de la succession, le notaire va interroger les principales banques et assurances françaises. Ces dernières pourront lui indiquer si des contrats ont été souscrits par le défunt. En revanche, en se retranchant derrière un pseudo-secret professionnel, elles ne communiqueront pas le nom du ou des bénéficiaires (cas d’un bénéficiaire extérieur à la famille). Le notaire, lui aussi tenu au secret professionnel, n’a pas le droit de transmettre aux héritiers réservataires l’information selon laquelle une assurance-vie a été souscrite par le défunt.

Pour obtenir ces précieuses informations, les héritiers lésés vont donc devoir ester en justice. Une action reposant sur un motif légitime, à savoir faire valoir leurs droits et respecter la réserve héréditaire. Les héritiers devront, à l’occasion de cette demande, rapporter la preuve que les conditions de l’exécution d’une assurance-vie ont pu leur causer un préjudice « personnel, direct et certain ». Une fois l’identité des bénéficiaires obtenue, les héritiers pourront diriger leur action judiciaire sur le fondement des primes manifestement exagérées.


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