Comme vous le savez, un entrepreneur individuel dispose d’un seul et même patrimoine (sauf s’il a opté pour le statut d’EIRL). Ainsi, lorsqu’il rencontre des difficultés, ses créanciers professionnels peuvent faire saisir l’ensemble de ses biens, et pas seulement ses biens professionnels. Toutefois, il lui est possible de mettre ses biens immobiliers à l’abri des poursuites de ses créanciers en les déclarant insaisissables. Explications.

Les biens immobiliers de l’entrepreneur

Les biens fonciers, bâtis ou non bâtis, que l’entrepreneur individuel n’a pas affectés à son activité professionnelle peuvent être déclarés insaisissables.

Tout entrepreneur individuel immatriculé à un registre professionnel (registre du commerce et des sociétés, répertoire des métiers…) ou exerçant une activité indépendante (artisan, commerçant, professionnel libéral, agriculteur) peut déclarer insaisissables ses biens fonciers, bâtis ou non bâtis (appartement, maison secondaire, terrain…), autres que sa résidence principale (qui est insaisissable de plein droit), dès lors qu’il ne les a pas affectés à son activité. Les micro-entrepreneurs et les entrepreneurs à responsabilité limitée (EIRL) sont également concernés.

En revanche, les dirigeants exerçant leur activité en société ne bénéficient pas de ce dispositif.

Important : depuis la loi « Macron » du 6 août 2015, la résidence principale de l’entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit (sans aucune formalité à accomplir) par ses créanciers professionnels. Mais attention, cette protection automatique ne vaut qu’à l’égard des créanciers professionnels dont la créance est née après le 6 août 2015. S’agissant des créanciers antérieurs, l’éventuelle déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale, souscrite en son temps, leur est toutefois évidemment opposable, tout au moins à ceux dont la créance est postérieure à cette déclaration.

Ce dispositif s’applique tant aux biens appartenant en propre à l’entrepreneur qu’aux biens qu’il détient en commun avec son conjoint ou en indivision.

À noter que si un bien est à la fois utilisé pour un usage privé et pour un usage professionnel, seule la partie utilisée à titre privé peut faire l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité. De même, lorsqu’un professionnel exerce son activité à son domicile, seule la partie qui n’est pas utilisée à des fins professionnelles est insaisissable de plein droit par ses créanciers professionnels.

Une protection contre ses créanciers professionnels

Les biens de l’entrepreneur qui ont fait l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité ne peuvent pas être saisis par ses créanciers professionnels.

Simple et peu coûteuse, la déclaration d’insaisissabilité limite les risques patrimoniaux inhérents à l’exercice de l’activité. En effet, lorsque l’entrepreneur individuel est en difficulté, ses créanciers ne peuvent pas agir sur les biens objet de la déclaration.

Un bémol toutefois, la protection procurée par la déclaration n’est pas absolue : elle joue uniquement à l’égard des créanciers professionnels dont la créance est née postérieurement à la publication de celle-ci au fichier immobilier. Autrement dit, les créanciers professionnels dont la créance est née avant la déclaration d’insaisissabilité et les créanciers personnels de l’entrepreneur individuel conservent le droit de saisir les biens déclarés insaisissables. Vous avez donc intérêt à établir cette déclaration au plus tôt !

Attention : la déclaration d’insaisissabilité souscrite alors que l’entrepreneur est déjà en cessation des paiements est inopérante. Et celle qui serait effectuée dans les 6 mois précédant la cessation des paiements serait susceptible d’être annulée à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire ou du ministère public. Il est donc vain de déclarer insaisissables ses biens quelques jours ou quelques semaines seulement avant l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire… De même, l’administration fiscale a le droit de saisir les biens immobiliers de l’entrepreneur même s’ils ont été déclarés insaisissables, lorsque ce dernier s’est rendu coupable de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.

L’intervention d’un notaire

La déclaration d’insaisissabilité doit être souscrite devant un notaire.

Pour souscrire une déclaration d’insaisissabilité, vous devez recourir aux services d’un notaire qui se chargera de sa rédaction. Cette déclaration sera ensuite publiée au fichier immobilier ainsi que dans le registre de publicité légale à caractère professionnel dans lequel vous êtes immatriculé ou dans un journal d’annonces légales si vous n’êtes pas tenu d’être immatriculé dans un tel registre.

Attention : si le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité est très séduisant, vous devez néanmoins l’utiliser avec parcimonie. Car à vouloir mettre trop de biens hors de portée de vos créanciers, vous réduisez d’autant votre capacité à constituer des garanties et donc à obtenir un crédit.

La cessation des effets de l’insaisissabilité

La renonciation à l’insaisissabilité de même que la vente du bien mettent fin aux effets de la déclaration d’insaisissabilité.

L’entrepreneur peut, à tout moment, renoncer à l’insaisissabilité de droit de sa résidence principale et à la déclaration d’insaisissabilité portant sur les autres biens fonciers. La renonciation peut porter sur tout ou partie des biens et peut être faite au bénéfice d’un ou de plusieurs créanciers déterminés. Elle devra être mentionnée sur le registre auprès duquel l’entrepreneur est immatriculé.

Par ailleurs, en cas de vente de la résidence principale, le prix de la vente demeure insaisissable à condition que l’entrepreneur réutilise cette somme dans le délai d’un an pour acquérir un immeuble où sera fixée sa résidence principale. Et en cas de vente d’un bien faisant l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité, la cession de ce bien entraîne la cessation de l’insaisissabilité.

Enfin, en cas de divorce, les effets de la déclaration d’insaisissabilité subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque l’entrepreneur se voir attribuer le bien considéré. Ils subsistent également en cas de décès de l’entrepreneur mais seulement jusqu’à la liquidation de la succession.


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