Élaborée dans la continuité des États généraux de l’alimentation qui se sont déroulés tout au long du 2 semestre 2017, la loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous », appelée plus couramment « loi Agriculture et Alimentation » (ou parfois « loi Egalim »), a enfin été adoptée après plusieurs mois de discussions et de tergiversions parlementaires. Elle a ensuite été publiée au Journal officiel après que plusieurs dispositions d’un intérêt relatif ont été censurées par le Conseil constitutionnel.Très attendue par l’ensemble du monde agricole, cette loi a, comme son nom l’indique, pour objet, en particulier, de permettre, d’une part, d’assurer un meilleur équilibre des relations commerciales entre producteurs, industriels et distributeurs en vue, à terme, d’améliorer la rémunération des agriculteurs, et d’autre part, d’offrir aux consommateurs une alimentation plus saine.Voici un panorama des principales dispositions qu’elle introduit.

Un nouveau cadre pour les relations commerciales

Inversion du processus d’élaboration des prix

La loi Agriculture et Alimentation a pour ambition première de garantir une juste rémunération aux agriculteurs et donc d’améliorer leurs revenus. Rappelons que près d’un agriculteur sur deux vit aujourd’hui avec moins de 350 € par mois…

Pour ce faire, la loi vise à permettre aux producteurs de « reprendre la main » dans les négociations contractuelles menées avec les industriels de l’agro-alimentaire et la grande distribution ou les grossistes, tout au moins dans les filières dans lesquelles la contractualisation est obligatoire. Car jusqu’à maintenant, l’initiative en la matière appartenait aux acheteurs, ce qui les mettait en position de force durant les négociations.

Désormais, le processus d’élaboration des prix des produits agricoles est inversé, la proposition de contrat ayant vocation à émaner des organisations de producteurs au sein desquelles les agriculteurs sont invités à se regrouper et qui sont chargées de les représenter.

En outre, les prix d’achat des produits agricoles devront dorénavant être proposés aux acheteurs en prenant en compte les coûts de production (et leur évolution) supportés par les exploitants. À cette fin, les organisations interprofessionnelles ont pour mission d’élaborer des indicateurs de prix destinés à servir de référence dans les négociations commerciales. À ce titre, d’aucuns, et en particulier les syndicats agricoles, regrettent que ces indicateurs de prix soient librement fixés par les acteurs économiques plutôt que de relever des pouvoirs publics…

À noter : jusqu’à présent, le non-respect par un acheteur de la réglementation relative aux obligations contractuelles agricoles était passible d’une amende de 75 000 € par producteur (ou organisation de producteurs) concerné. Ce montant maximal est porté à 2 % du chiffre d’affaires HT du dernier exercice clos de l’acheteur.

Lutte contre les prix bas

Toujours en vue d’améliorer le revenu des agriculteurs, la loi entend également lutter contre la guerre des prix. Deux mesures ont été prises en la matière. D’une part, le seuil de revente à perte des denrées alimentaires (prix en dessous duquel un distributeur a l’interdiction de commercialiser un produit) sera relevé, à titre expérimental et pendant deux ans, de 10 %, de façon à ce que les marges des fournisseurs soient un tant soit peu préservées.

Et d’autre part, les promotions sur les produits alimentaires vendus aux consommateurs dans les grandes surfaces seront encadrées tant en valeur qu’en volume, là encore pendant une durée de deux ans à titre expérimental. Une limitation de la promotion à 33 % du prix initial et à 25 % du volume était envisagée. Ainsi, par exemple, la pratique du « 1 acheté, 1 gratuit » sera interdite (le « 1 gratuit pour 2 achetés » devrait, en revanche, rester autorisé).

Ces deux séries de mesures seront officialisées et précisées par le biais d’ordonnances à paraître.

Reste à savoir si les distributeurs joueront le jeu et si les nouvelles contraintes qui pèseront sur eux permettront réellement d’augmenter les prix d’achat aux agriculteurs. Beaucoup en doutent…

Une alimentation plus saine et de qualité

Encadrement de l’usage des produits phytopharmaceutiques

Le second volet de la loi consiste à favoriser « une alimentation saine, de qualité, durable, accessible à tous et respectueuse du bien-être animal ».

À ce titre, le texte est venu modifier les modalités de publicité, de commercialisation et d’utilisation des produits phytosanitaires vendus aux agriculteurs. Ainsi, pour mieux contrôler leur utilisation, les activités de vente de ces produits et de conseil quant à leur usage seront désormais séparées, une même entreprise ne pouvant plus, à l’avenir, exercer ces deux activités. Très décriée par les intéressés, cette mesure, qui doit s’inscrire dans un objectif de réduction de l’usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques, sera explicitée ultérieurement par la voie d’une ordonnance.

Dans le même ordre d’idées, les rabais, remises et ristournes consentis lors de la vente de tels produits seront interdits pour les contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er janvier 2019.

Quant à la publicité pour ces produits, elle ne deviendra possible que si elle contient une information explicite relative aux risques que l’exposition à ces derniers entraîne sur la santé et l’environnement.

Autre mesure : l’interdiction de produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes, en vigueur depuis le 1er septembre dernier, est étendue aux produits contenant une ou des substances actives « présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes ». Une interdiction dont les modalités d’application devront être précisées par décret.

Enfin, la considération du voisinage n’a pas été oubliée puisque les exploitants agricoles seront tenus, à compter du 1er janvier 2020, de prendre des mesures de protection (à préciser, là encore, par un décret à paraître) à l’égard des personnes habitant dans des zones proches des lieux d’épandage de produits phytopharmaceutiques.

À noter : dans le cadre de la recherche de solutions visant à limiter les risques d’accidents du travail, le recours aux drones pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques autorisés en agriculture biologique sera expérimenté pendant 3 ans sur des surfaces présentant une pente supérieure ou égale à 30 %. Une pratique qui est aujourd’hui interdite.

Des produits de qualité dans les restaurants collectifs

Pour permettre l’accès à une alimentation plus saine, la loi impose aux restaurants collectifs (écoles, universités, établissements de santé, établissements sociaux…) de fournir, d’ici à 2022, des repas comprenant au moins 50 % de produits issus de l’agriculture biologique ou bénéficiant soit d’un signe d’identification de la qualité ou de l’origine, soit d’une mention valorisante, soit d’une certification de conformité. Sachant que les produits bio doivent être présents à hauteur d’au moins 20 %.

Et à titre expérimental, pendant 2 ans, les gestionnaires des services de restauration collective scolaire devront proposer un menu végétarien au moins une fois par semaine.

Le bien-être animal

La loi s’est également préoccupée du bien-être des animaux. Ainsi, notamment, les mauvais traitements infligés aux animaux, notamment dans les élevages, seront désormais passibles d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (contre 6 mois et 7 500 € aujourd’hui). Et dans chaque abattoir, un responsable de la protection animale, chargé d’assurer le respect des mesures de protection des animaux au moment de leur mise à mort, devra être désigné.


Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, JO du 1er novembre


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