Beaucoup de professionnels libéraux exercent leur activité sous la forme d’une entreprise individuelle. Très simple et peu formaliste, ce statut présente néanmoins des inconvénients (risques sur le patrimoine privé, frein au développement du cabinet, transmission difficile…) qui conduisent un certain nombre d’entre eux à vouloir passer en société. Mais quelle forme de société choisir ? En fait, le choix dépend de la façon dont le professionnel souhaite travailler (seul ou à plusieurs, partage des seuls moyens ou aussi des bénéfices, ouverture du capital à des personnes extérieures à la société…), mais également et surtout selon que la profession qu’il exerce est réglementée ou non.

Les sociétés de droit commun

Les professionnels libéraux qui exercent une profession non réglementée peuvent constituer toute forme traditionnelle de sociétés. Christophe Pitaud

Les professionnels libéraux qui exercent une profession non réglementée peuvent constituer toute forme traditionnelle de sociétés, y compris unipersonnelle. Ainsi, celui qui souhaite exercer seul peut opter pour l’EURL (Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) ou pour la Sasu (société par actions simplifiée unipersonnelle). Ces deux formes présentent en particulier l’avantage de protéger le patrimoine personnel de l’intéressé des convoitises de ses créanciers professionnels. Le choix en faveur de la Sasu permettant de surcroît à son dirigeant d’être soumis au régime social des salariés.

Les professionnels qui souhaitent s’associer peuvent, quant à eux, choisir la SARL, la SAS ou encore la société anonyme. La SA et la SAS permettant souvent une plus importante mobilisation de capitaux, ce qui est rarement nécessaire pour les activités libérales. Aucune particularité n’est à signaler en la matière, les sociétés ainsi constituées relevant des règles relatives à la forme choisie.

Sauf autorisation par la réglementation propre à chaque profession, ces formes classiques de société ne sont pas ouvertes aux professions libérales réglementées. Rappelons si besoin, que les professions réglementées sont celles qui sont régies par des conditions de diplôme et d’inscription et qui sont assujetties à des règles déontologiques et d’exercice. Il s’agit des professions de santé (chirurgiens-dentistes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, médecins, vétérinaires…), des professions du droit (avocats, commissaires-priseurs judiciaires, greffiers de tribunal de commerce, huissiers de justice, notaires…) et du chiffre (experts-comptables, commissaires aux comptes) ainsi que de certaines professions techniques (architectes, géomètres-experts…).

Toutefois, et c’est une nouveauté introduite par la fameuse loi « Macron » du 6 août 2015, les professionnels exerçant une profession juridique ou judiciaire sont désormais autorisés à constituer des sociétés commerciales de droit commun (SARL, SAS, SA), à l’exception de celles conférant la qualité de commerçant aux associés (sociétés en nom collectif, sociétés en commandite). Leur capital étant ouvert à toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire. Une contrainte à respecter : la société ainsi créée doit comprendre, parmi les associés, au moins un professionnel remplissant les conditions requises pour exercer l’activité. Ainsi, par exemple, une SARL d’avocats doit comprendre au moins un avocat parmi ses associés. Le régime juridique, fiscal et social de ces sociétés correspond à celui de la forme sociale choisie tout en obéissant également aux règles spécifiques de la profession considérée.

Les sociétés propres aux professions réglementées

Les professionnels libéraux qui exercent une profession réglementée doivent opter pour l’une des formes de société qui leur sont dédiées. Christophe Pitaud

Lorsqu’ils exercent une profession réglementée, les professionnels libéraux disposent d’un choix de forme de sociétés limité. En effet, exception faite des formes classiques qui, on l’a dit, peuvent parfois être adoptées par certaines professions réglementées, ils doivent opter pour l’une des formes qui leur sont spécifiques.

La société civile professionnelle

La société civile professionnelle, plus connue sous le sigle de SCP, est une formule très répandue chez les libéraux. Spécialement prévue pour l’exercice en commun d’une profession libérale réglementée, elle doit comprendre au moins deux associés. Tous doivent être des personnes physiques qui réunissent les conditions requises (diplôme) pour exercer la profession concernée et qui sont tenues de l’exercer au sein de la société.

Dans une SCP, les associés partagent leurs honoraires. Toutefois, les statuts peuvent prévoir une répartition différente, par exemple en fonction de la participation détenue par chacun dans le capital.

Fiscalement, le résultat d’une SCP est imposé à l’impôt sur le revenu, les associés étant imposés personnellement sur leur quote-part de bénéfice dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). Sachant que les associés peuvent décider d’opter pour une imposition des bénéfices à l’impôt sur les sociétés.

Au niveau social, les associés d’une SCP sont affiliés au régime des travailleurs non salariés.

Principal inconvénient de cette structure, la responsabilité financière des associés est lourde puisqu’ils répondent indéfiniment des dettes de la société. Ils répondent également, avec la société, sur l’ensemble de leur patrimoine, des conséquences dommageables des actes professionnels qu’ils accomplissent.

La société d’exercice libéral

Les professionnels libéraux qui souhaitent exercer une profession réglementée à plusieurs au sein d’une même structure peuvent également opter pour la société d’exercice libéral (Sel). Il s’agit cette fois d’une société à forme commerciale qui peut revêtir celle d’une SARL (on parle alors de Selarl), d’une SAS (Selas), d’une société anonyme (Selafa) ou d’une société en commandite par actions (Selca).

Contrairement à la SCP, la Sel est une société de capitaux dans laquelle la responsabilité financière des associés est limitée au montant de leurs apports. Autre différence majeure, la Sel est une société ouverte pouvant accueillir des professionnels qui n’exercent pas dans la société et qui peuvent même, tout au moins pour certaines professions, en détenir la majorité du capital. Mais attention, les dirigeants sont obligatoirement des professionnels qui exercent au sein de la société.

La Sel est assujettie de plein droit à l’impôt sur les sociétés (sauf option, parfois possible, pour le régime fiscal des sociétés de personnes). Son résultat fiscal étant déterminé et imposé selon les règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Comme dans la SCP, les associés d’une Sel relèvent du régime social des travailleurs indépendants. Quant aux dirigeants, ils relèvent soit du régime des salariés soit de celui des indépendants selon la forme de la société.

À noter : il existe aussi des sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL), mais qui ne sont pas des sociétés d’exercice. Il s’agit de sociétés holding des professions libérales réglementées qui ont pour objet principal la détention de parts ou d’actions de sociétés d’exercice libéral exerçant une même profession ou des professions différentes.

La société pluri-professionnelle d’exercice

Depuis peu, les professionnels du droit et du chiffre (et seulement eux) peuvent se regrouper au sein de sociétés pluri-professionnelles d’exercice (SPE). Instaurée, là encore, par la loi « Macron » du 6 août 2015, cette nouvelle forme de société offre ainsi aux avocats (y compris les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation), commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, notaires, administrateurs et mandataires judiciaires, conseils en propriété industrielle et experts-comptables la faculté d’exercer en commun leur activité dans une même structure. Ce qui leur permet de proposer à leurs clients une gamme complète de prestations.

La SPE peut revêtir la forme d’une Sel, d’une société civile ou même d’une société commerciale (SARL, SAS, SA), mais pas celle d’une société conférant à ses membres la qualité de commerçant (société en nom collectif, société en commandite). Elle doit comprendre, parmi les associés, au moins un membre de chacune des professions qu’elle exerce. Et la totalité de son capital et des droits de vote doit être détenu par des professionnels exerçant l’une des professions exercées en commun.

La société civile de moyens

La société civile de moyens (SCM) a pour objet, comme son nom l’indique, de mettre en commun, non pas l’activité, mais des moyens utiles à l’exercice de la profession (locaux, matériel, secrétariat, documentation…). Elle permet donc de partager les frais de fonctionnement entre les associés. Mais il n’y a ici ni partage des bénéfices (ou des pertes) ni clientèle commune, les associés restant juridiquement indépendants. En principe, elle peut être constituée librement par tout professionnel libéral, quelle que soit sa profession.

La société interprofessionnelle de soins ambulatoires

Les professions médicales, les auxiliaires médicaux et les pharmaciens peuvent créer des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (Sisa) qui leur permettent de mettre en commun leurs moyens en vue d’exercer ensemble certaines activités.

À noter : plutôt qu’une société, l’exercice en commun d’une profession libérale peut prendre la forme d’une simple « association » dans laquelle, par exemple, les moyens, les dépenses et les honoraires individuellement perçus sont mis en commun, mais où chacun exerce sous sa propre responsabilité.


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